L'Accident de Décompression (ADD)
Les Cause
En cours de plongée, en fonction de la profondeur à laquelle elle s'est déroulée et du temps qu'elle a duré, l'azote contenu dans l'air que nous respirons s'est dissout dans le sang et les tissus selon la loi de Henry. A la remontée, une baisse de la pression hydrostatique ambiante trop rapide provoque un dégazage anarchique de l'azote dissout. Cette baisse de pression trop rapide peut avoir deux causes :
une remontée trop rapide (> 18 m/min) ;
le non respect des paliers de décompression.
Idée du mécanisme de l'ADD
Le dégazage engendre des microbulles d'azote qui se dilatent suite à la baisse de pression ambiante. Elles peuvent ensuite se "coincer" dans divers parties du corps et vont provoquer des symptômes plus ou moins grave suivant la localisation des microbulles. Pour mémoire, retenir que l'on distingue des ADD de type I (bénins) et de type II (fortement invalidants, voire mortels). Les bulles peuvent se coincer dans :
les tissus comme les muscles, la peau ou certains organes (Type I) ;
les articulations ou les terminaisons nerveuses (Type I) ;
les capillaires veineux ou artériels (Type I ou II);
la moelle épinière (ou accidents médullaires) (Type II) ;
le
cerveau et le système nerveux central (Type II).
les Symptômes
Bulles dans les tissus :
Les bulles qui se coincent dans les muscles peuvent provoquer de légères douleurs bénignes et petites rougeurs (puces). Sous la peau, de petits emphysèmes sous-cutanés qui crissent sous le doigt peuvent apparaître (moutons). Certains organes particulièrement sensibles peuvent être touchés comme l'oreille interne (troubles de l'équilibre et nausées) ou l'oreille moyenne (surdité partielle ou totale).
Bulles dans les articulations ou les nerfs :
Dans les articulations, elles provoquent des paralysies locales dans la région touchée (souvent genou, coude, épaule ou poignet). Bien souvent, ces paralysies sont accompagnées de paresthésies (perte de la sensibilité) dues à des bulles coincées dans le réseau et les terminaisons nerveuses avoisinant. Les symptômes se traduisent par de vives douleurs articulaires appelées "bends".
Bulles dans les capillaires :
Une bulle présente dans une vaisseau sanguin est dangereuse car, lorsqu'elle se coince, les tissus situés en aval ne sont plus alimentés en oxygène ou évacués de leur CO2 et se nécrosent. Par ailleurs, autour de la bulle, le sang a tendance à coaguler (agrégats plaquettaires), ce qui réduit fortement, au bout de peu de temps, l'efficacité des tentatives de recompression pour faciliter l'évacuation de la bulle. Les symptômes associés sont essentiellement ceux d'une très grande fatigue générale.
Bulles dans la moelle épinière :
La moelle épinière, située dans la colonne vertébrale, est le système nerveux central. Si une bulle se coince à un endroit donné, la partie du corps située au dessous de cette zone risque la paralysie. Un symptôme classique est une forte douleur dans le dos dès la remontée, classiquement décrite comme "un coup de poignard" au niveau de la colonne vertébrale. Les symptômes peuvent donc aller jusqu'à la paraplégie, la tétraplégie. Notons aussi alors l'incapacité d'uriner qui est un symptôme classique de l'ADD médullaire.
Bulles dans le cerveau et le système nerveux central :
Elles peuvent provoquer des troubles neurologiques et fonctionnels de tous ordres. Les symptômes les plus classiques quoique parfois gravissimes sont les nausées, les paresthésies, l'hémiplégie la tétraplégie, la perte de connaissance, la perte de la parole, les troubles de la vue, de l'ouïe ou des autres sens. ces troubles peuvent être temporaires ou définitifs en cas d'affection grave.
En résumé, quelques symptômes caractéristiques et révélateurs d'un ADD sont à retenir impérativement :
une très grande fatigue générale anormale, voire perte de connaissance ;
les troubles de l'équilibre et les nausées ;
les bends, puces et moutons ;
le coup de poignard ;
les paralysies, paresthésies ou troubles sensoriels ;
l'incapacité d'uriner.
Il est à
noter que ces symptômes peuvent apparaître encore au delà des 24h qui suivent
la sortie de l'eau.
Conduite à tenir et notions de traitement
Il existe une procédure de recompression préventive suite à une remontée rapide par réimmersion. nous la détaillerons au cours de la leçon sur les tables de plongée.
Face à une personne pour laquelle on soupçonne un ADD : Faire boire beaucoup, PROPOSER de l'aspirine, ne jamais l'imposer, il s'agirait alors d'une acte médical que vous n'êtes pas habilité à produire, sauf si vous êtes médecin. Ces deux actions ont pour but d'augmenter la fluidité et le volume sanguin pour prévenir les agrégats plaquettaires qui nuiraient au traitement médical. Mettre la personne allongée en position déclive (tête légèrement vers le bas, pieds légèrement surélevés). Pratiquer l'oxygénothérapie et surtout appeler le CROSS (Canal 16 PAN PAN PAN) pour évacuer au plus vite la personne vers un caisson d'oxygénothérapie hyperbare.
Prévention
Il existe un certain nombre de facteurs favorisants de l'ADD à connaître et à éviter, bien entendu. Sans ordre particulier :
profondeur et durée : elles augmentent la saturation ;
fatigue, stress, pas envie de plonger bref, mauvais état physiologique ou mental ;
alcool, drogue ;
froid : effet direct de la loi de Henry, la saturation peut être d'autant plus importante que la température est basse. Les conditions de dégazage sont donc modifiées par rapport aux paramètres de référence des tables. On peut noter que les ordinateurs modernes incluent une pénalisation supplémentaire en cas de plongée en eaux froides (< 12°C);
efforts : de même, souvenez vous que dans la loi de Henry, le dégazage augmente avec l'agitation. Cette remarque est valable pendant et après la plongée, car vous ne revenez pas à saturation zéro en fin de plongée, mais à saturation acceptable en surface. Le dégazage peut se poursuivre pendant les 12 h qui suivent la plongée (selon les tables MN90), un ADD peut donc survenir suite à un effort bien après la sortie de l'eau ;
âge : bien qu'il n'y ait pas de lien clairement établi, il est conseillé aux plongeurs âgés d'utiliser des tables plus pénalisantes que les MN90 ou de majorer le palier à 3 m ;
surcharge pondérale : l'azote se fixe mieux dans les tissus adipeux, ils ont donc tendance à saturer plus que la moyenne ;
plongées aux profils inversés (du moins profond au plus profond), plongées successives inversées (plus profond en seconde plongée qu'en première) : encore une fois, il n'a jamais été établi indubitablement que des profils inversés favorisent l'ADD, mais comme toujours, on applique en ce domaine le principe de précaution. Il est cependant certain que la fatigue accumulée en première plongée rend dangereuse une plongée profonde en seconde ;
accumulation de plongées successives : elles engendrent de la fatigue et beaucoup d'azote résiduel. Les tables MN90 préconisent (et ne sont applicables que pour) deux plongées au maximum par tranche de 24h ;
ne pas prendre l'avion dans les 24h qui suivent une plongée. L'avion étant dépressurisé entre 0,7 et 0,8 bar, si la désaturation n'est pas totalement achevée, un ADD peut se produire. C'est un accident qui est malheureusement relativement fréquent.
Enfin, et de manière générale : respecter vitesse de remontée et paliers de décompression. Ne pas hésiter même à majorer le palier de 3 m, et uniquement celui-ci. Il est conseillé, pour toute plongée même dans la courbe de sécurité, de respecter un palier "de principe" de 3' à 3 m. Cette règle n'est pas une obligation et si les conditions de mer (vagues, houle, courant…) ne le permettent pas, mieux vaut retourner au plus vite en surface, en sécurité, gilet gonflé.
Auteur: Vincent LEPEZ